… par les décideurs et comme un escroc par ses pairs.
A l’heure actuelle, la méthode la plus simple (simpliste) pour évaluer les chercheurs est de compter les articles qu’ils ont publiés dans des journaux spécialisées à comité de lecture*. Un indicateur un peu plus élaboré et censé rendre compte de l’importance de la contribution d’un chercheur est l’indice H (H index)**.
Voici quelques méthodes pour accroître votre liste de publication et votre indice H. Elles sont classées par valeur non-éthique croissante:
- le « donnant-donnant »: tu veux des données, je veux être co-auteur. En général, c’est normal mais cela devient hautement discutable quand les données ont déjà été publiées (et donc publiques et accessibles à tous). Dans ce cas là, un remerciement à la fin de l’article devrait faire l’affaire et encore.
- le « copinage »: tu seras co-auteur sur mon prochain article et je serai co-auteur sur le tien (sous-entendu: sans travailler sur la recherche qui est dans l’article).
- le « salami » ou « saucisson »: vous découpez votre papier en plusieurs parties ou tranches. Par exemple: « Un nouveau modèle pour mesurer la température de l’eau froide: théorie », »Un nouveau modèle pour mesurer la température de l’eau froide: formulation », « Un nouveau modèle pour mesurer la température de l’eau froide: benchmarking », « Un nouveau modèle pour mesurer la température de l’eau froide: application à l’eau du robinet ». Oui en général, ça marche très bien en modélisation. Ce coup-là, vous augmentez votre liste de publication et votre indice H; car dans chaque tranche de salami, vous faites référence à la tranche précédente et même, si vous avez le culot, à la tranche suivante.
- la « dilution ». C’est pareil que le salami mais à l’échelle de la thématique de recherche. Par exemple: « Impact de la viande rouge sur la mouche bleue », « Impact de la viande blanche sur la mouche bleue », « Impact de la viande de venaison sur la mouche bleue ». Dans ce cas-là, le plus beau c’est que vous pouvez achever le sujet par un article de synthèse (une review): » Impact de la viande sur la mouche bleue: une synthèse ». Même bénéfice que précédemment: publication et indice H.
- le « conflictuel ». Celui-ci est à prendre avec des gants et je ne le conseillerai pas à un jeune chercheur. Le but est de générer des citations en pagaille (plutôt négatives mais au final l’indice H augmente et c’est le but recherché), des réponses et des réponses aux réponses (oui les réponses, à partir du moment où elles sont publiées, comptent comme des articles complets).
- le « limite-c-est-des-conneries ». Réservé aux pontes. Très difficile car l’article doit quand même être publié (d’où l’intérêt d’avoir un ponte en co-auteur, ça aide). L’indice H explose et, même avec un peu de chance, vous pourrez sortir de l’académique pur et passer au JT.
* Quand un chercheur décide de publier ses travaux, il écrit un article et le soumet à un journal. Chaque journal peut être classé suivant son Facteur d’Impact, ou IF en anglais. L’article est alors évalué par les pairs avant d’être, si accepté, publié dans la revue. Comme des images valent mieux que des longues phrases voici dans le détail le processus d’évaluation pour une revue classique (ici tous les journaux publiés par l’American Meteorological Society),
et par une revue en accès libre de l’European Geosciences Union: Atmospheric Chemistry and Physics
** D’après Hirsch, le créateur de l’indice, « Un scientifique a un indice h si h de [ses] Np articles ont chacun au moins h citations, et les autres (Np – h) articles ont au plus h citations chacun ». Pour simplifié, votre serviteur avait un indice H = 6 l’année dernière, cela signifie que 6 de mes articles ont été cités au moins 6 fois.
cedric
février 20, 2009
tip top article, qui resume joliment les derives de notre systeme d’evaluation. Qd le Roi Sarko ds son discours desormais celebre parle du nombre d’article, il ne fait que confirmer que le debat sur le nombre (et non de la qualite, ou meme l’epaisseur) d’article sur le CV ne va aller qu’en empirant.
En passant, tu aurais pu ajouter un 7eme point : le copier-coller. J’ai devant moi 3 articles extremenent similaires (meme intro, memes figures, meme sujet de recherche, meme code, meme benchmarks, juste qq conclusions differentes a chq fois), ecrits par la meme dream team (dont un mega ponte des methodes numeriques) publies en moins d’un an dans trois revues differentes … bien joue les gars !
mouton
février 20, 2009
il était dans ma liste mais j ai oublié de la mettre. Tu le situes où dans l’échelle ?
Anthropopotame
février 20, 2009
Et le facteur d’impact de blogs comme les nôtres, tu crois que ça compte?
bergere
février 20, 2009
Et les pontes qui piquent la place de premier auteur à leur/s étudiant/s, en ayant rien ou prou foutu sur le papier (cela ne m’est jamais arrivé, mon directeur de thèse a bien des défauts, mais certainement pas celui là … cependant j’en connais plus d’un a qui c’est arrivé)…
Le Piou
février 20, 2009
Pfff…
Ok j’avoue. J’ai fait un #6. Mais un #6 passif. Nature review qui reclame un papier du ponte. Ca se refuse pas. Hein?
Et quand le ponte te demande d’ecrire une partie de la review tu obeis, hein?
hein???
Dites, je vais finir en enfer, alors?
Olivier de Montréal
février 20, 2009
5 copies par ci, 4 copies par là… Bonjour les arbres!
(le PDF, c’est quand même bien mieux).
Rien à dire sur le calcul de l’indice H. Je le constate tous les jours…
Olivier de Montréal
février 20, 2009
Du côté des revues, on en voit des belles. Il y a un mois, j’ai assisté à une p’tite bagarre entre deux co-auteurs. Le premier ne voulait pas réviser et resoumettre et le deuxième si, à ce que j’ai deviné. Le premier a donc révisé et soumis l’article ailleurs (chez moi). Pour moi, c’était une soumission. Puis l’article a été accepté.
Auteur 2 a appris la chose et a fait tout un pataquès pour être reconnu co-auteur de la révision soumise chez moi…
Franchement…
Ca m’étonne toujours de voir des co-auteurs travailler à des milliers de km les uns des autres (Singapour-Etats-Unis-Suède, ou Canada-Angleterre-Allemagne…)
L’échange de bons procédés; je l’ai vu pour « ma » 2e revue (de sciences politiques):
article 1 : auteurs A-B-C-D
article 2 : auteurs B-C-A
article 3 : auteurs D-A-C-B
etc etc
bergere
février 20, 2009
@ piou: tu as vendu ton âme au diable… Mais c’est quand tu veux pour me mettre en co-auteur sur un Nature ou un Science…
Dr. CaSo
février 20, 2009
Moi, non seulement je suis nulle à ce petit jeu mais en plus je le déteste. Je finirai caissière au macdo moi, c’est sûr…
Aisling
février 21, 2009
Et j’ajouterai aussi: « la menace »: en tant que relecteur soucieux de la qualite des publications de ses pairs bien aimes, systematiquement exiger une citation d’un de ses propres articles dans les « revisions obligatoires » 🙂
Je n’ai jamais vu le cas personnellement, mais l’Enerve dit qu’il y a quelques specimens dans son domaine.
Goulven
février 21, 2009
Ah, je crois l’avoir eu ça. Je n’ai pas le moyen d’en être sur car le reviewer était anonyme mais j’ai de lourds soupçons quant a son identité et il m’avait en effet conseillé d’ajouter une référence ‘clef’… a un de ses articles.
antonia
février 23, 2009
L’avenir de la recherche, en France (et aussi dans le monde entier de l’univers universel) : enseignant-chercheur en sciences humaines, plus précisément en langues et littératures… Venez nombreux, on brade en ce moment!
Luz
décembre 30, 2009
Excellent article, j’ai beaucoup mieux compris l’indice H qu’au cours 🙂